Après l’azote, le phosphore (P) est le deuxième élément responsable des rendements et de la qualité des récoltes. Son rôle dans le développement racinaire est bien connu. L’optimisation de la fumure phosphatée demeure un point clé. Cette optimisation doit se faire selon des objectifs agronomiques, économiques et écologiques, qui ne sont pas toujours évidents à déterminer.
Les situations d’impasse sur cet élément se sont multipliées ces dernières années. Il faut rester vigilant car même si plusieurs années sans apport peuvent ne pas engendrer de baisse de rendements significative (cas des sols riches et argileux), le jour où les récoltes chutent à cause d’une carence en phosphore, les pertes peuvent être très importantes. L’agriculteur se trouve alors dans l’incapacité de résoudre rapidement le problème. La forme assimilable par la plante est le P2O5. Cette forme est principalement présente dans les grains, donc la restitution ou non des pailles joue peu sur la quantité de phosphore. Les ions phosphates étant très peu mobiles dans le sol, le lessivage de cet élément est très faible. Mais en contrepartie, c’est aux racines des plantes d’aller chercher cet élément qui est difficilement assimilable car il a la particularité de se bloquer dans le sol.
Du fait de sa faible propension à lessiver, la quantité moyenne de phosphore totale dans les sols est généralement élevée pouvant aller jusqu’à 10 000 kg par hectare. Parmi ce stock, environ 500 kg se trouvent absorbés sur le Complexe Argilo-humique et peuvent devenir échangeables et assimilables.Seul 1 kg d’ions phosphate par hectare est présent dans la solution du sol à un instant donné. Ces ions représentent la seule source d’alimentation directement assimilable pour les plantes. Le bon approvisionnement en phosphore de la culture est donc uniquement déterminé par la capacité du sol à minéraliser du phosphore organique et à désorber du phosphore de la phase solide afin d’alimenter continuellement la solution du sol.
Pour cela, deux paramètres principaux rentrent en jeu : le pH et la température du sol. Les phosphates de la solution du sol étant des anions (ions avec charge électrique négative), ils vont naturellement s’associer avec des cations (ions avec charge électrique positive). Dans le cas des sols acides, ce sont principalement le fer et l’aluminium (Fe2+ et Al2+) qui vont se lier aux phosphates et le bloquer dans la phase solide du sol. Ce phénomène de « rétrogradation » est très rapide puisqu’en moyenne, 80 à 90% des ions phosphates en solution dans un sol acide seront rétrogradés sous huit à dix jours. Dans le cas des sols calcaires, c’est le calcium (Ca2+), présent en abondance, qui sera l’agent fixateur des phosphates et créera un blocage de ces derniers. Ce phénomène, appelé cette fois « fixation » s’effectue légèrement plus lentement puisqu’en moyenne 50% des ions phosphates en solution dans un sol calcaire seront fixés après vingt-trois jours.
Dans les deux cas, la liaison des phosphates avec les cations aura pour conséquence de diminuer drastiquement la disponibilité en phosphore pour les cultures. Si, dans le cas des sols acides, un chaulage peut permettre d’arracher une partie des phosphates au fer et à l’aluminium pour les remettre en solution, le phénomène de blocage en sol calcaire est lui, irréversible.
Si le pH a une action primordiale sur la durabilité du phosphore en solution, la température jouera quant à elle un rôle important sur la mise en solution de ces ions phosphates, à travers son effet sur l’activité microbienne. En effet, la désorption du phosphore de la phase solide du sol et la minéralisation du phosphore organique sont directement liées à l’activité de la flore microbienne. En effet, la désorption du phosphore de la phase solide du sol et la minéralisation du phosphore organique sont directement liées à l’activité de la flore microbienne. En moyenne, l’activité bactérienne du sol atteindra 30% de son potentiel pour une température de 13°C, 43% à 16°C, 73% à 18°C et enfin 100% pour une température de sol à 21°C.
En conclusion, plus un sol est chaud et neutre, plus il mettra de phosphore à disposition des plantes, et inversement pour des sols froids au pH s’éloignant de la neutralité.
Les bactéries solubilisatrices de phosphate sont des bactéries bénéfiques capables de solubiliser le phosphore minéral. Ces bactéries telles que Bacillus, Micrococcus, Pseudomonas, Flovobacterium ou encore Burkholderia sont capables de libérer le phosphore minéral bloqué par les cations du sol. Ce déblocage réaction se fait grâce à la production d’acides organiques par les bactéries : acide oxalique, acide lactique, acide malique, ainsi que par leurs enzymes appelées phytases. Ces enzymes vont permettre de libérer les ions phosphates les rendant ainsi disponibles pour les racines.
La température de stérilisation qui tue la vie du sol est de 41°C. En France, un sol peut monter jusqu’à 52°C au soleil alors qu’un sol couvert ne dépasse pas 28°C. Les labours sont donc à éviter, surtout au mois d’août car la température du sol sera suffisamment élevée pour tuer les bactéries solubilisatrices de phosphate.
Il est également recommandé d’apporter suffisamment de phosphore disponible autour des jeunes racines, c’est-à-dire dans les dix premiers centimètres de profondeur du sol. Il convient alors d’éviter l’apport avant le labour qui va diluer le phosphore sur trente centimètres. L’apport en surface après le semis n’est pas recommandé car le phosphore peu mobile ne descendra pas suffisamment dans le sol au niveau des racines. Pour limiter les phénomènes de blocage, il est donc recommandé d’apporter le phosphore au plus près des besoins de la plante dans l’espace et dans le temps. La localisation du phosphore au moment du semis est à ce jour la meilleure pratique possible pour valoriser cet élément.